Social Media Management, retour sur un cas d’école en gestion de crise sur les médias sociaux.
Petit rappel des faits
Le 25 octobre 2010, la pigiste- blogueuse Maura Kelly publie sur le blog du magazine Marie Claire un billet où elle critique ouvertement la taille des vedettes de la série « Mike and Molly » diffusée chaque semaine sur CBS.
Elle se prononce sur le blog officiel du magazine pour donner son avis personnel en se disant dégoutée de voir des obèses sur le petit écran.
La parution de ce post a provoqué un tollé pour les lecteurs habituels du blog, les abonnés du magazine papier ainsi que les téléspectateurs de la série. Une solidarité amplifiée sur les médias sociaux.
Les commentaires sur le post de Maura Kelly ne cessent d’augmenter (on compte à ce jour plus de 3800 commentaires pour la plupart très négatifs), le mur Facebook de Marie Claire a connu les critiques et les réactions les plus virulentes reprochant à la direction de Marie Claire de cautionner les propos de la blogueuse et de ce fait, appellent au boycott du magazine.
Pendant plusieurs jours, le mur Facebook de Marie Claire a fait office de mur des lamentations. Sur le même canal, une page dédiée au boycott du magazine a été créée.
La réaction de Marie Claire
Le 26 octobre, Joanna Coles, rédactrice en chef de Marie Claire a donné sa version des faits dans une interview accordée au fashionista lors du « Banana Republic’s spring show 2011». Elle a décrit Maura Kelly comme une blogueuse provocatrice et a annoncé la réception de plus de 28 000 mails critiquant le billet paru ce qui a amené la blogueuse en question à mettre à jour son post avec des excuses envers les personnes offensées.
Le 27 octobre, Marie Claire demande à ses followers via sa timeline Twitter de lui proposer des personnes qui pourront enrichir le débat autour du post de Maura Kelly.
Sur son mur Facebook, plusieurs personnes ont demandé à la rédaction du magazine de s’excuser.
Le 3 novembre, Lexis De Young (qui avait auparavant adressé son appel à Marie Claire et décidée depuis à réitérer son appel chaque jour sur la page Facebook du magazine) commente sur le mur de la marque en disant qu’un autre jour est passé sans que Marie Claire ne s’excuse, ne demandant pas des dizaines de pages d’explications, juste des excuses.
Deux heures plus tard, Marie Claire décide de répondre, en disant qu’ils regrettent la parution du billet et qu’ils sensibilisent les lecteurs du magazine aux désordres alimentaires en publiant une colonne mensuelle dédiée à ce sujet. Durant cette crise, c’est le premier pas conversationnel réussi de la marque!
Constats
Ce cas soulève plusieurs interrogations :
1. Quelle est l’étendue de la responsabilité de la rédaction d’un magazine dans la publication, sur son blog officiel, d’un billet par un tiers?
Selon moi, un magazine est responsable des publications éditées sur l’un de ses sites ou/et blogs. Dans le processus d’édition, il y a la phase de validation où le rédacteur en chef valide les sujets qui seront publiés sur le fond et sur la forme. La rédaction de Marie Claire était consciente que la publication de sujets controversés provoquera le « buzz » et favorisera la crise (et éventuellement sa gestion) sur les médias sociaux surtout après avoir déclenchée le 4 octobre une autre polémique en publiant un article sur son blog relatant l’expérience des 6 blogueuses les plus populaires dans la blogosphère de la santé. Une polémique où Marie Claire n’avait pas daigné de réagir.
Marie Claire a donc fait le choix de faire parler d’elle, une deuxième fois, en validant la publication du billet de Maura Kelly, surtout à quelques jours du lancement du Run Away Project .
2. L’objectif d’augmenter la visibilité du site est-il plus important pour un magazine que la valeur de ses lecteurs fidèles ?
Un fashion magazine comme Marie Claire est conscient de sa valeur image. On constate l’augmentation du nombre de fréquentation vers le site officiel de Marieclaire.com de +23% au lendemain de la parution du billet de Maura Kelly comme illustré dans l’image ci-dessous. Et même après la période de « buzz », le site du magazine engendre plus de trafic qu’auparavant.
Aussi, le magazine a gagné sur sa fan page Facebook près de 4000 nouveaux fans en 1 mois.
3. Les marques sont-elles préparées à l’avènement d’une crise sur les médias sociaux?
La majorité des marques et/ou des entreprises qui ont décidé de faire des médias sociaux l’un de leur terrain de présence et de communication ne sont pas préparées à affronter une crise sur ces canaux. Vouloir gérer une crise sur les médias sociaux c’est vouloir gérer des feux qui se propagent à une très grande Vitesse sans connaître le sens du vent.
En l’occurrence sur Facebook, les marques ne sont plus propriétaires de leur mur, c’est la (les) communauté (s) qui, par le pouvoir de leurs conversations, aiguillent le vent. C’est désormais ce cas de figure qu’il faut anticiper et préparer.
La Fan Page des marques sur Facebook devient le nouveau canal de doléances et critiques des personnes dans l’entourage de la marque ou en solidarité avec le porteur du message. L’absence d’une stratégie « communautaire » qui montre la connaissance de son entourage « social en ligne » est rédhibitoire pour une bonne anticipation et gestion de crise sur ces nouveaux médias.
La volatilité des échanges qu’impose un canal comme Facebook ou Twitter est dans l’ère du temps. Cela exige une réactivité instantanée des marques en temps de crise. Le magazine Marie Claire l’a ignorée pendant la première crise mais s’est relativement bien sorti pendant la deuxième crise avec plus d’écoute et une rapidité de réponse face à l’urgence des conversations.
4. Quel risque pour les marques?
Marie Claire a pris le risque d’une mauvaise publicité (mais une publicité quand même) en postant des articles controversés, qui garantissent l’effet de bouche à oreille. Seulement, il n’est pas facile de prédire l’impact positif ou négatif sur l’image de l’entreprise et ses ventes. Le risque étant que le feu ne soit pas maîtrisé et que la marque en question perde le contrôle de son image. Voir aussi le cas GAP.
Best practices
Le cas de Marie Claire, où limage de marque est entachée par l’un de ses employés me rappelle vaguement celui de Domino’s pizza où le CEO avait publié une vidéo sur Youtube expliquant avec transparence la position de la boite. Dommage que Marie Claire ne s’est pas servi de son canal Youtube, qui est à la fois l’un des moyens les plus convaincants dans une crise qui porte atteinte à l’image de marque et grâce à son caractère viral, un moyen efficace pour transmettre rapidement le message à un large public.
Revenons sur quelques bonnes pratiques qui permettront une bonne gestion de crise sur les médias sociaux:
1. Établir en interne un plan de management de crise sur les médias sociaux, permettra de se tenir prêt dans l’éventualité d’une crise. Se préparer à réagir vite, très vite avec un contenu réfléchi et préparé comme par exemple réaliser et poster des vidéos en un temps court.
2. Désigner les ressources nécessaires notamment une équipe de management de crise (des employés qui auront l’habitude d’utiliser les médias sociaux et de répondre aux clients en ligne seront les meilleurs opérationnels le jour J).
3. Rester à l’écoute de son environnement numérique et connaitre l’utilisation et le but de chaque canal permettra d’assurer une bonne gestion de votre relation client en temps de crise.
4. Connaitre votre espace social et les parties qui le composent (communautés, blogueurs, leaders d’opinion…). Converser et interagir avec son environnement permet d’asseoir des rapports solides qui vous seront utiles en temps de crise.
5. Simuler des scénarios de crise en interne pour connaitre le degré de préparation et de réactivité de l’équipe dédiée. Se préparer à répondre dans les 24H maximum.
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J’aimerai bien avoir votre avis sur la gestion de crise sur les médias sociaux, avec des exemples de bonne ou mauvaise gestion, ou simplement de bon sens.
Image de garde: Couverture du magazine Marie Claire novembre 2010.